ÑÏ: Rendons un petit hommage au poètes français Incompatibilité Tout là-haut, tout là-haut, loin de la route sûre Des fermes, des vallons, par delà les coteaux Par delà les forêts, les tapis de verdure Loin des derniers gazons foulés par les troupeaux On rencontre un lac sombre encaissé dans l'abîme Que forment quelques pics désolés et neigeux L'eau, nuit et jour, y dort dans un repos sublime Et n'interrompt jamais son silence orageux Dans ce morne désert, à l'oreille incertaine Arrivent par moments des bruits faibles et longs Et des échos plus morts que la cloche lointaine D'une vache qui paît aux penchants des vallons Sur ces monts où le vent efface tout vestige Ces glaciers pailletés qu'allume le soleil Sur ces rochers altiers où guette le vertige Dans ce lac où le soir mire son teint vermeil Sous mes pieds, sur ma tête et partout, le silence Le silence qui fait qu'on voudrait se sauver Le silence éternel et la montagne immense Car l'air est immobile et tout semble rêver On dirait que le ciel, en cette solitude Se contemple dans l'onde, et que ces monts, là-bas Ecoutent, recueillis, dans leur grave attitude Un mystère divin que l'homme n'entend pas Et lorsque par hasard une nuée errante Assombrit dans son vol le lac silencieux On croirait voir la robe ou l'ombre transparente D'un esprit qui voyage et passe dans les cieux Poèmes divers |
ÑÏ: Rendons un petit hommage au poètes français La Beauté Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre, Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour, Est fait pour inspirer au poète un amour Eternel et muet ainsi que la matière. Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris; J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes; Je hais le mouvement qui déplace les lignes, Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris. Les poètes, devant mes grandes attitudes, Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments, Consumeront leurs jours en d'austères études; Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants, De purs miroirs qui font toutes choses plus belles: Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles! |
ÑÏ: Rendons un petit hommage au poètes français Correspondances La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles L'homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l'observent avec des regards familiers Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité Vaste comme la nuit et comme la clarté Les parfums, les couleurs et les sons se répondent II est des parfums frais comme des chairs d'enfants Doux comme les hautbois, verts comme les prairies - Et d'autres, corrompus, riches et triomphants Ayant l'expansion des choses infinies Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens Qui chantent les transports de l'esprit et des sens Les Fleurs du Mal " Edition posthume de 1868" |
ÑÏ: Rendons un petit hommage au poètes français Au lecteur La sottise, l'erreur, le péché, la lésine, Occupent nos esprits et travaillent nos corps, Et nous alimentons nos aimables remords, Comme les mendiants nourrissent leur vermine. Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ; Nous nous faisons payer grassement nos aveux, Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux, Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches. Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste Qui berce longuement notre esprit enchanté, Et le riche métal de notre volonté Est tout vaporisé par ce savant chimiste. C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent ! Aux objets répugnants nous trouvons des appas ; Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas, Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent. Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange Le sein martyrisé d'une antique catin, Nous volons au passage un plaisir clandestin Que nous pressons bien fort comme une vieille orange. Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes, Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons, Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes. Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie, N'ont pas encore brodé de leurs plaisants dessins Le canevas banal de nos piteux destins, C'est que notre âme, hélas ! n'est pas assez hardie. Mais parmi les chacals, les panthères, les lices, Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents, Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants, Dans la ménagerie infâme de nos vices, Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde ! Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris, Il ferait volontiers de la terre un débris Et dans un bâillement avalerait le monde ; C'est l'Ennui ! - l'œil chargé d'un pleur involontaire, Il rêve d'échafauds en fumant son houka. Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat, - Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère ! |
ÑÏ: Rendons un petit hommage au poètes français A une passante La rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ; Agile et noble, avec sa jambe de statue. Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ? Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être ! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais ! |
ÇáÓÇÚÉ ÇáÂä 10:38 |
ÌãíÚ ÇáãæÇÏ ÇáãäÔæÑÉ ÈÇáãæÞÚ ÊÚÈÑ Úä ÃÕÍÇÈåÇ ÝÞØ æáÇ ÊÚÈÑ ÈÃí Ôßá ãä ÇáÃÔßÇá Úä ÑÃí ÇáãæÞÚ æáÇ íÊÍãá Ãí ãÓÄæáíÉ ÚäåÇ
Powered by vBulletin® Copyright ©2000 - 2024, Jelsoft Enterprises Ltd