Les enseignants jaugent le plan d’Urgence Surcharge des classes, manque d’enseignants, baisse du rendement des élèves, mauvaise qualité de certaines matières, lourdeur et inadéquation des programmes scolaires… la liste des carences est longue. «Ce n’est guère l’heure de dresser un bilan” : c’est ainsi que répondent plusieurs enseignants quand on leur demande leur avis concernant le Plan d’Urgence de la réforme du système éducatif national, initié en 2009 par le ministère de l’Education nationale. Néanmoins, un bilan d’étape s’impose afin de pouvoir rectifier le tir. En effet, si les uns se félicitent des acquis des premières années de ce Plan, d’autres continuent à pointer du doigt les insuffisances et les lacunes dont pâtissent nos programmes éducatifs. “Certes, il y a encore du chemin à parcourir. Mais il ne faut pas se voiler la face. Il y a des problèmes qui persistent et risquent d’entraver le rythme des changements escomptés”, souligne un enseignant et acteur associatif qui essaie de décortiquer les véritables handicaps qui empêchent la marche pour une école de réussite. “Les premiers handicaps sont d’ordre structurel. Le niveau primaire, à titre d’exemple, souffre d’un manque terrible au niveau des classes au sein des établissements scolaires. Et aussi, d’un manque au niveau des enseignants”, précise-t-il. Selon ses propos, le problème de la surcharge des classes persiste encore au sein des établissements scolaires. “Comment voulez-vous que l’enseignant participe à cette école de la réussite avec plus de 40 élèves par classe ?”, s’interroge-t-il. Et d’ajouter: “L’élève est la partie la plus lésée. Cette réforme qui vise un enseignement de qualité doit instaurer les vraies bases d’une école de réussite. Le problème de surcharge des classes au sein de certains établissements scolaires est un handicap majeur face aux mesures visant à développer et réformer le système éducatif national”. Outre ce problème de surcharge, cet enseignant a mis l’accent sur un handicap plus grave. C’est celui du manque des enseignants et leur carence au niveau pédagogique et didactique. “Un nombre considérable d’entre eux n’a pas reçu une bonne formation pédagogique et didactique pour encadrer et mener à bien la mission d’enseigner”, ajoute-t-il. C’est un déficit majeur. “Il y a une contradiction entre la réforme qui vise la qualité de l’école et les mesures entreprises pour accompagner cette marche. Surtout au niveau de la formation des nouveaux enseignants. Ces derniers passent uniquement une année de formation après leur licence ou leur master. Ensuite, ils entament leur mission d’enseigner. C’est insuffisant. Ils n’ont pas acquis les manières pédagogiques et les outils didactiques nécessaires pour apporter leur savoir aux enfants du primaire, du collège ou du lycée”, renchérit-il. Même son de cloche chez Abdessalam. “On peut constater que notre école est en régression successive et que le Plan d’Urgence de la réforme est plongé dans les contradictions”, soutient cet enseignant de langue française au sein d’un lycée casablancais. Bien que l’on assiste à une certaine réforme et une mobilisation de grande envergure, il y a beaucoup de choses à réaliser afin de redresser les insuffisances et combler les lacunes de la réforme du plan d’urgence, ajoute-t-il. “Je ne comprends pas. Nous observons encore un taux élevé de déperdition scolaire, et de redoublements, ainsi, qu’une baisse de rendement des élèves, et une mauvaise qualité de certaines matières dispensées surtout au niveau de la maîtrise des langues (anglais et français) et l’acquisition des aptitudes dans les matières scientifiques, ainsi qu’une lourdeur et une inadéquation des programmes scolaires”, décortique-t-il. Il faut déployer de grands efforts pour développer la formation du corps enseignant aux nouvelles approches pédagogico-didactiques, puisque c’est l’élément primordial dans cette réforme baptisée “tous pour une école de réussite”, ajoute-t-il. Abdessalam s’interroge sur l’utilité des ateliers et les séminaires de formation pédagogique sous la tutelle du ministère de l’Education nationale. “Je ne vois pas l’utilité de convoquer les enseignants pour des séances de formation pour parler des choses théoriques qui ne correspondent pas à la réalité. Les établissements scolaires ne sont pas équipés pour faire progresser le niveau des élèves. Nous ne pouvons pas parler du développement de la compétence technologique des élèves en l’absence d’ordinateurs, d’Internet, de logiciels de programmes éducatifs, d’agents chargés de la réparation et de la maintenance des postes au sein des écoles…», fustige-t-il. Abdessalam a, par ailleurs, plaidé pour un débat constructif qui réunit tous les acteurs du système éducatif pour remédier aux lacunes. “Le Plan d’Urgence est avant tout le fruit d’une politique nationale qui ne pourra pas être menée sans le soutien, la participation et la mobilisation de tous les acteurs concernés par les questions éducatives dans le pays. Et pour cela, il faut que chacun remplisse sa tâche. Il ne faut pas se contenter de dépenser de l’argent pour des séminaires et demander aux enseignants à ne pas accorder des notes éliminatoires (zéros), à donner de bonnes notes et à travailler avec les moyens de bord”. En revanche, Youssef, enseignant à Dar Bouâaza, a souligné les acquis de la réforme, notamment l’accès massif à l’école avec un taux très élevé de scolarisation et le budget colossal recensé par le ministère. “Il y a une variante au niveau des formations”, précise-t-il. Selon ses dires, les programmes éducatifs sont révisés et une nouvelle organisation pédagogique a vu le jour, tel le système LMD (Licence, Master, Doctorat). Il faut optimiser ses acquis et attendre le bilan dans les années prochaines. «Ce n’est pas le moment de dresser un bilan. Certes, il y a des élèves qui quittent les bancs des écoles sans qualification, le phénomène de redoublement continue à sévir et la qualité d’apprentissage est en chute libre. Mais, il faut optimiser les acquis, redresser les insuffisances et attendre car le jour du bilan n’est pas demain», dit-il. Public-privé : l’éternel fossé Il y a une grande différence entre les enseignements public ou privé, s’accordent à dire plusieurs enseignants. Il est vrai que des carences pédagogiques et organisationnelles persistent. Mais ce qui est frappant, c’est la qualité des apprentissages fondamentaux: lecture, calcul, écriture, langues et les modes d’instruction, en termes de méthodes et d’outils didactiques, souligne un enseignant. Il y a une différence au niveau de l’apprentissage dans le secteur privé et celui public. L’école publique ne cesse d’attirer le mécontentement des citoyens. Les parents jugent que l’inégalité entre les Marocains peut s’observer dans la différence entre le système éducatif dispensé au secteur public et celui privé. Les parents des élèves ne font pas confiance à l’école publique. Selon eux, elle est démissionnaire et ne remplit pas ses tâches. Source : Lematin.ma |
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2011-02-11, 13:31
Les enseignants jaugent le plan d’Urgence 
