Résumé : Le père Goriot d’Honoré de Balzac (1835) Le père Goriot a fait fortune dans le commerce du vermicelle et des pâtes d'Italie. Maintenant il songe à se retirer des affairés, afin de trouver pour ses filles chéries, Delphine et Anastasic, un brillant mariage; car toutes deux veulent être comtesses, ou au moins baronnes. Et comment un noble consentirait-il à épouser la fille d'un marchand de vermicelle? Ce n'est pas toutefois sans un vif regret que le brave homme dit adieu à ses pâtes et à ses farines; c'est au milieu d'elles qu'il voudrait vivre et mourir : ne l'ont-elles pas fait millionnaire? mais il le faut, ses filles l'exigent; et le père Goriot vend son fonds de vermicellier. Une fois retiré, ce n'est plus qu'un ancien négociant, avec un capital de deux millions. Delphine et Anastasie peuvent choisir un mari; l'une épouse un baron de Mecingen, et l'autre devient comtesse de Restaud. Avant d'arriver là, il a bien fallu faire des sacrifices d'argent. De son immense fortune, il ne s'est réservé que dix mille francs de rente : mais que lui importe, pourvu que ses deux filles soient riches et heureuses? Dix mille francs de rente! il ne lui en faut pas tant pour vivre; il peut encore employer les quatre cinquièmes de son revenu à leur faire d'utiles cadeaux. Dans bien des circonstances, pour une foule de coûteuses frivolités, de petites nécessités de toilette, le père Goriot est encore la providence de ces dames : aussi le reçoit-on bien, le fête-t-on, en famille seulement, cela va sans dire, et en petit comité : devant le monde on rougirait de lui. Enfin ce bonheur-là suffît encore au père Goriot ; il voit ses chères enfants aussi souvent qu'il lui plaît. De temps en temps ses gendres daignent le visiter dans son petit appartement ; on laisse bien échapper parfois quelques dures paroles, quelques sarcasmes blessants ; le père Goriot s'en afflige un moment, et finit par en prendre son parti. Car après tout on l'aime, pense-t-il; au moins on le lui dit. Encore si cela durait! Mais les ruineuses prodigalités de ses filles diminuent chaque jour son dernier capital. Les gendres, qui jusque-là supposaient encore au beau-père un joli reste de fortune, s'aperçoivent qu'il n'a presque plus rien, une centaine de mille francs peut-être. C'est bien la peine vraiment de se gêner pour si peu, de subir à tout instant des humiliations à cause d'un pareil homme ! On ne le reçoit plus que rarement et avec froideur ; on ne manque aucune occasion de lui faire sentir que sa présence fatigue et contrarie : le père Goriot, quoique affligé de ce refroidissement, tient bon néanmoins. Il vient pour voir ses filles, pour être témoin de leur bonheur ; car c'est là tout le sien désormais. Mais enfin on se lasse, on le congédie, on le met à la porte. Pauvre père Goriot Alors il quitte son joli logement, il renonce à ses beaux meubles, à tout ce qui faisait sa vie de garçon agréable et commode. Il abandonne les élégants quartiers de la capitale pour s'exiler au faubourg Saint-Jacques, dans une pension bourgeoise des deux sexes ; il choisit une chambre au premier étage, où il puisse recevoir Delphine et Anastasie sans les faire rougir, si, comme il l'espère, elles viennent encore le voir de loin en loin. Voilà donc le père Goriot, millionnaire il y a deux ans, devenu aujourd'hui pensionnaire de la maison Vauquer ! Il commence à comprendre qu'il a eu tort peut-être de se mettre à la merci de ses gendres, de ne rien refuser à ses filles. Se voyant délaissé, maintenant qu'il est pauvre, il s'aperçoit enfin qu'on le choyait auparavant seulement parce qu'il était riche ; il sent la faute qu'il a commise. Son revenu est bien mince à présent ; mais comme son premier besoin, sa première nécessité est de voir ses filles, il trouve encore moyen d'économiser pour elles ; c'est pour elles qu'il réduit ses dépenses, qu'il supprime toutes superfluités, qu'il se prive de tout, même du nécessaire : il entasse écu sur écu pour les voir quelquefois. En effet, quand par hasard elles viennent encore le visiter dans sa modeste chambre, il sait bien que ce n'est plus pour lui, pauvre vieux, mais pour son or. N'importe, il est encore trop heureux de les voir à ce prix. Pour amasser de cet or, il diminue tous les jours sa dépense, monte successivement du premier étage de la maison jusqu'à la mansarde. Pour faire face à toutes les folles dépenses de ses filles, il se défait peu à peu de tous les débris de son ancienne opulence, il vend son argenterie, il vend sa montre, sa chaîne, tous ses diamants ; enfin il est ruiné, il a tout vendu, jusqu'aux bijoux de sa défunte. Que faut-il de plus ? Mais les grandes dames sont toujours là, lui demandant de l'or. « Allons, pauvre Goriot !, pour donner à tes filles une robe de bal, ou payer quelques dettes secrètes, vend sa dernière ressource, le morceau de pain qui te reste et te fait vivre ; et quand tu auras aliéné ta pension alimentaire, quand tu auras tout donné, hâte-toi de mourir, va-t'en de ce monde où tu n'es plus bon à rien. » Ainsi arrive-t-il. Le père Goriot n'a pas même, à ses derniers moments, la consolation de bénir ses filles ; il meurt sans les voir, les ingrates ! Outre le père Goriot et ses filles, il y a dans le roman d'Honoré de Balzac plusieurs figures secondaires dont nous n'avons pas parlé, parce que l'auteur a jugé à propos de ne les donner qu'en croquis, entre autres celle d'un étudiant en droit, Rastignac, l'amant d'une des filles du père Goriot ; jeune homme d'une famille noble, mais pauvre, venu à Paris pour faire son chemin ; esprit froid et calculateur qui veut étudier le monde pour le mieux faire servir à son élévation. Nous n'avons rien dit non plus de certains détails du livre, pleins d'exagération et de fausseté, où Balzac fait jouer gratuitement au père Goriot, dans l'intrigue de sa fille avec son amant, un rôle indigne et méprisable. |