منتديات الأستاذ التعليمية التربوية المغربية : فريق واحد لتعليم رائد

A l’intérieur de la maison, tous les membres de la famille s’approchaient, saluaient timidement et prenaient place dans le salon. Aziz prit place entre Abdeslam et Rajae, face à eux se tenait Driss qui épaulait son fils et fixait le tapis de son regard tout en chuchotant à l’oreille de son fils qui ne quittait pas son oncle des yeux. On parla par petites phrases, comme entre inconnus, on souriait et quelques vieilles femmes ne cessaient de passer leurs mouchoirs sur les yeux. On déposa sur la grande table du thé des gâteaux, des jus et on servit tout le monde. On sirotait des verres de thé en silence, et pourtant on avait tant et tant à dire : demander, remercier, reprocher, raviver les blessures d’antan… mais le mutisme d’Aziz imposait un silence presque religieux. Chacun voulait prendre la parole et chacun appréhendait le pire, soit un silence indifférent, soit une réaction non souhaitée. On se regardait, on chuchotait petit à petit, puis on s’était mis à parler de la défunte, de ses qualités, de l’amour qu’avaient les gens pour elle, et on guettait une réaction d’Aziz qui était absorbé dans ses pensées, les doigts caressant la chevelure de Rajae qui reposait sa tête sur l’épaule de son frère.
Soudain, Aziz se pencha, déposa un baiser sur le front de sa sœur, lui chuchota quelques mots à l’oreille avant de prendre Abdeslam par la main et se diriger vers la sortie. Une fois dehors, il alluma une cigarette et attendit. Quelques instants après ; Rajae apporta deux chaises et deux verres de thé pour lui et Abdeslam. Ils prirent place à l’ombre pour boire leurs verres en silence.
Driss était le cadet de ses frères. Sa mère l’adorait plus que tous les autres et on ne sut jamais pourquoi ! il fit des études modestes et finit par décrocher un diplôme de commerce. Un oncle lointain put le placer dans une société de produits pharmaceutiques. Il y resta quelques années avant d’intégrer la fonction publique dans une perception relevant de la direction des impôts. Confortablement installé, sa mère lui choisit sa femme, Layla. Il se maria et eût deux enfants, un garçon et une fille. Personnage solitaire, sans profondeur, il était de ces hommes qui aimaient marcher à l’ombre, sans convictions ni politiques ni religieuses, il se contentait de vivre au jour le jour, sans complication. Il s’était détaché de ses collègues, de sa famille et de ses anciens amis, pour s’occuper de sa femme et ses enfants. Ce n’était pas le genre d’homme à souffrir une famille, à chercher son autonomie, à être le maître chez soi, il avait donné toutes les prérogatives à sa femme, se contentant d’aller à son travail, en revenir, prendre une douche et passer des heures devant le petit écran. Sa femme Layla, issue d’une famille modeste, était d’une avarice sans exemple, autoritaire aussi bien avec son mari et ses enfants qu’avec ses frères, sœurs et voisins… Une femme de foyer irréprochable, elle n’avait fréquenté l’école que quelques trois ou quatre années, néanmoins elle était une calculatrice en chair et os, le calcule était sa manie, elle calculait tout, du salaire de son mari jusqu’au temps que lui et les enfants faisaient pour le trajet à l’école et au travail, chez l’épicier du coin, au marché… si par hasard Driss ou l’un des enfants faisaient une course, il leur fallait et revenir à temps et rapporter la monnaie au centime près, sinon c’était à une scène de colère qu’ils avaient droit. Les enfants Ayoub et Yasmina vivaient entre un père absent et une mère omniprésente, une patronne comme se plaisait à l’appeler Driss.