Un vent glacial soufflait. Les trottoirs de la ville étaient déjà vêtus d’une couche épaisse de neige. Elle portait un manteau vieux bleu léger et elle avait des cheveux longs tout blanc. Les quelques rides qui apparaissaient nettement sur son visage indiquaient qu’elle avait dépassé les soixantaines de son age. Sous les regards des passants, assise derrière son piano, elle laissait ses doigts à moitie courbés se balader spontanément sur les touches pour emmener tous les spectateurs dans un voyage vers un monde des rêves.

La musique quittait le lieu et se perdait dans un vide calme pour combler les coins de la grande rue qui est devenue, avec le temps, son unique demeure. Chaque note composant la mélodie magique qu’elle jouait était un message codé. Elle n’avait pas besoin de parler mais elle savait s’exprimer silencieusement et laisser chaque personne comprendre à sa façon le contenu de son œuvre. Le rythme varie entre le plus bas, le moyen et le plus élevé. Toutes les émotions se rassemblaient, se mélangeaient et se fusionnaient. Pour ensuite se séparaient, s’éloignaient et se distinguaient.

Sur les visages on voyait des sourires, des larmes, de la nostalgie, de la joie, de la tristesse..

De temps en temps on entendait un son étrange, d'une pièce de monnaie, venant troubler l'harmonie. Elle atterrait dans le fond d'une boite métallique posée non loin d'elle. Une fois ses doigts sont fatigués, elle faisait signe que c'était la fin de l’épisode pour ce jour là et qu’elle voulait faire une pause. Les applaudissements tombaient chaleureusement sur elle comme des gouttes fines de pluie. Pendant que la foule disparaissait, elle trouvait refuge dans sa solitude et cherchait un album de photos de ses affaires. Tout en buvant de son thermos une tasse de café noir, elle révisait son parcours artistique : elle était une star célèbre, jeune et très belle.