Le jour où Pétra se réveilla Le Khazneh (le Trésor) est le plus célèbre monument de Pétra. On ignore s'il s'agit d'un temple ou de la sépulture d'un roi Il y a deux cents ans, un jeune explorateur suisse, Johann Ludwig Burckhardt, redécouvrait Pétra dans des circonstances rocambolesques. La capitale des Nabatéens, en Jordanie, est aujourd'hui considérée comme une des merveilles du monde. Récit d'une formidable aventure. A deux siècles d'ici, le 22 août 1812, un homme pieds nus, portant l'habit du Bédouin en pèlerinage, s'avance vers une brèche creusée depuis la nuit des temps dans la montagne aride du Wadi Moussa (la vallée de Moïse). Il se fait appeler cheikh Ibrahim, négociant, venu faire offrande d'une chèvre au prophète Aaron (le frère de Moïse). A quelques pas derrière lui, un deuxième homme porte l'animal sur ses épaules. C'est son guide qui a accepté de mauvaise grâce, mais contre large rétribution - jusqu'à ses chaussures et sa chemise - de le mener ici, dans cette cité interdite connue seulement des anciens. Sans doute craignait-il aussi qu'un refus de sa part lui attire la vindicte du dieu. Mais il est inquiet, méfiant, et flaire quelque chose… ce pèlerin n'est pas comme les autres. Il a raison. En vérité, sous les hardes et la barbe hirsute du Bédouin, se cache Johann Ludwig Burckhardt, un explorateur suisse âgé de 25 ans, issu d'une bonne famille bâloise. Il fait route de Damas vers l'Egypte, missionné par l'African Association britannique, créée vers la fin du XVIIIe siècle pour promouvoir l'Afrique. Dans un contexte de rivalité franco-anglaise sur le continent noir comme au Proche-Orient, il lui faut damer le pion à ces «maudits Français» qui cumulent les découvertes en Egypte. Rompu aux mœurs orientales, Burckhardt connaît l'arabe (qu'il a appris à Cambridge) et parcourt la Cyrénaïque (actuelle Libye) et la Transjordanie en quête de découvertes. Nous sommes au temps de ces explorateurs aventuriers, aussi savants qu'héroïques, qui voyagent seuls et s'habillent en «locaux» pour mieux se fondre dans la population. Quelques jours auparavant, à Shawbak, il a entendu parler de l'existence d'une cité interdite, plus belle encore que la reine des déserts, la fameuse Palmyre. Elle serait proche du village de Wadi Moussa. Mais qui souhaite l'approcher met sa vie en danger. La situation politique est tendue dans cette région occupée par des tribus bédouines converties au wahhabisme et hostiles aux étrangers. Il fallait bien trouver un stratagème. Au pied du massif, les deux hommes s'engouffrent dans un étroit défilé, le Siq. C'est une faille naturelle et sinueuse, longue de 1,5 kilomètre, polie par les eaux de la rivière de Wadi Moussa. Elle serpente entre des parois de silice stratifiée, aux nuances rosées, saumon, safran, hautes de plus de 25 mètres. En certains endroits, elles sont si proches qu'elles dissimulent le ciel. Tout bruit y fait écho. Nul doute que notre explorateur remarque les nombreuses stèles et niches contenant des bétyles, et les étranges inscriptions qui ornent le corridor. De même, ces étonnantes canalisations en forme de rigoles creusées dans la roche n'ont pu lui échapper. Mais, étroitement surveillé par son guide, il ne peut montrer ni curiosité, ni stupeur ni émerveillement… Pas même lorsque soudain, après une demi-heure de marche, se profile entre les parois sombres du défilé la façade majestueuse d'un monument rupestre sans pareil: le Khazneh, dit encore le Trésor ou le Château du pharaon. Taillé dans le grès, d'une parfaite symétrie, richement orné de pilastres, de statues, de sculptures, il se dresse là, intemporel. Burckhardt en a le souffle coupé. Il aimerait saisir son carnet de notes, décrire et dessiner l'impressionnant mausolée, mais il craint d'éveiller les soupçons de son guide. Plus tard, il écrira: «Grande devait être l'opulence d'une ville qui pouvait dédier de tels monuments à la mémoire de ses gouvernants.» Le Tombeau à étages, ou Tombe Palace, le plus imposant par ses dimensions (49 mètres de large pour 45 mètres de hauteur), s'inspire de l'architecture hellénistique. En bas, le même monument dessiné par David Roberts, qui parvint à séjourner cinq jours à Pétra en mars 1839. A suivre |