ÇáãæÖæÚ: Textes choisis
ÚÑÖ ãÔÇÑßÉ æÇÍÏÉ
ÞÏíã 2014-07-03, 22:12 ÑÞã ÇáãÔÇÑßÉ : 3
ÎÇÏã ÇáãäÊÏì
ãÏíÑ ÇáÊæÇÕÜÜá
 
ÇáÕæÑÉ ÇáÑãÒíÉ ÎÇÏã ÇáãäÊÏì

 

ÅÍÕÇÆíÉ ÇáÚÖæ








ÎÇÏã ÇáãäÊÏì ÛíÑ ãÊæÇÌÏ ÍÇáíÇð


æÓÇã ÇáãÔÇÑßÉ ÇáÓíÑÉ 1438å

æÓÇã ÇáãÔÇÑßÉ Ýí ãÓÇÈÞÉ ÇáÓíÑÉ ÇáäÈæíÉ ÇáÚØÑÉ

ÇáÚÖæ ÇáããíÒ áÔåÑ ÝÈÑÇíÑ

ÇÝÊÑÇÖí ÑÏ: L'invitation au voyage




________________________________________
Du premier regard


Frédéric Moreau, le personnage principal, fait un voyage en bateau lorsqu'il voit, pour la première fois celle qui se ra l'amour de sa vie


---------
Ce fut comme une apparition[1] :
Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l'éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu'il passait, elle leva la tête; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda.
Elle avait un large chapeau de paille, avec des rubans roses qui palpitaient au vent derrière elle. Ses bandeaux noirs, contournant la pointe de ses grands sourcils, descendaient très bas et semblaient presser amoureusement l'ovale de sa figure. Sa robe de mousseline claire, tachetée de petits pois, se répandait à plis nombreux. Elle était en train de broder quelque chose ; et son nez droit, son menton, toute sa personne se découpait sur le fond de l'air bleu.
Comme elle gardait la même attitude, il fit plusieurs tours de droite et de gauche pour dissimuler sa manoeuvre[2] ; puis il se planta tout près de son ombrelle, posée contre le banc, et il affectait[3] d'observer une chaloupe[4] sur la rivière.
Jamais il n'avait vu cette splendeur de sa peau brune, la séduction de sa taille, ni cette finesse des doigts que la lumière traversait. Il considérait son panier à ouvrage avec ébahissement, comme une chose extraordinaire. Quels étaient son nom, sa demeure, sa vie, son passé ? Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu'elle avait portées, les gens qu'elle fréquentait ; et le désir de la possession physique même disparaissait sous une envie plus profonde, dans une curiosité douloureuse qui n'avait pas de limites.
Une négresse, coiffée d'un foulard, se présenta, en tenant par la main une petite fille, déjà grande. L'enfant, dont les yeux roulaient des larmes, venait de s'éveiller. Elle la prit sur ses genoux. " Mademoiselle n'était pas sage, quoiqu'elle eût sept ans bientôt ; sa mère ne l'aimerait plus ; on lui pardonnait trop ses caprices. " Et Frédéric se réjouissait d'entendre ces choses, comme s'il eût fait une découverte, une acquisition[5].
Il la supposait d'origine andalouse, créole peut-être ; elle avait ramené des îles cette négresse avec elle ? Cependant, un long châle à bandes violettes était placé derrière son dos, sur le bordage de cuivre. (…)Mais, entraîné par les franges, il glissait peu à peu, il allait tomber dans l'eau ; Frédéric fit un bond et le rattrapa. Elle lui dit :
" Je vous remercie, monsieur. "
Leurs yeux se rencontrèrent.
Gustave Flaubert
L'Education sentimentale

[1] Apparition: manifestation d'un être invisible qui se montre tout à coup

[2] Dissimuler sa manœuvre: s'efforcer de ne pas se faire remarquer.

[3] Il affectait: il fait semblant

[4] Une chaloupe: une espèce de petite barque

[5] Une acquisition: une conquête, une victoire.


_________________________________________
Sensations étranges
Je tentais de reconnaître mon pardessus parmi ceux qui encombraient l'entrée, quand j'entendis pour la première fois sa voix: "vous partez déjà,"
La phrase était banale et pourtant un frisson étrange me parcourut le dos, comme si cette voix eût été pourvue d'organes tactiles[1] que j'aurais senti courir sur ma colonne vertébrale. Je me tournai et fus frappé par sa beauté.
Elle me parut alors très grande, puis je vis que cette impression tenait surtout à la longueur de ses jambes, moulées dans un pantalon de velours noir. Ses épaules étaient larges mais sa silhouette n'avait rien de masculin, bien au contraire. Je remarquai également que ses longues mains brunes aux angles légèrement recourbés ne portaient aucune bague.
On s'étonnera certainement que mon tempérament misogyne[2] m'ait laissé tant de facultés d'observation et je ne tenterai pas de l'expliquer, sauf en disant que j'étais certainement déjà très amoureux sans le savoir et que, d'instinct, je m'étais assuré que l'objet de ma flamme[3] ne portait pas d'alliance. Ce dont je me croyais le plus à l'abri m'advenait[4] brusquement avec la brutalité qui le caractérise : j'étais victime du coup de foudre et je ne me défendais pas.
Je regardais avidement le visage extraordinaire de l'inconnue, sa peau brune et mate, sa bouche sinueuse et surtout ses yeux noirs, brillants, au regard tellement scrutateur[5] que j'aurais dû en être gêné, mais j'y voyais une preuve d'intérêt flatteur et mon cœur battait follement.
J'étais là, stupidement figé, comme hypnotisé[6] et j'aurais soudain voulu savoir, tout ensemble, réciter des vers, jouer de la guitare ou, au moins, prendre un air intelligent; je sentais bien hélas que c'était exactement l'inverse et je me désespérais déjà à l'idée d'être éconduit[7] sans avoir osé parler. Pourtant elle me sourit d'un sourire étrange, mince et malicieux, et me dit doucement: " Venez danser"
Jehanne Jean-Charles
Les plumes du corbeau.

[1] Tactiles : Du verbe toucher

[2] Misogyne : qui déteste les femmes

[3] Ma flamme : mon amour

[4] M'advenait : m'arrivait

[5] Scrutateur : qui examine attentivement

[6] Hypnotisé : endormi

[7] Econduit : rejeté, repoussé


_________________________________________
Une rencontre étonnante
C'est dans le port d'Odessa que je fis sa rencontre. Trois jours durant il attira mon attention par sa silhouette trapue et forte […]. Pendant des heures entières, je le voyais, sur les quais de granit, arrêté, suçant la poignée de sa canne et contemplant mélancoliquement l'eau souillée du port. […]
Enfin, au bout de quatre jours, à l'heure du repas, je tombai sur lui, résolu à savoir qui il était. Je m'installai tout prêt de lui, avec une pastèque et du pain, et je commençai mon repas tout en regardant mon bonhomme, cherchant le moyen le plus délicat de lier conversation avec lui … Ce n'était pas chose facile pour le vagabond que j'étais, tout souillé de poussière de charbon, de commencer un entretien avec ce gommeux*.
Mais à ma profonde surprise, je constatai qu'il tenait les yeux obstinément fixés sur moi et que celui que j'étudiais était affamé: j'inspectai rapidement du regard tous les environs et lui demandai doucement:
-Voulez-vous manger?
Il eut un tressaillement, il grimaça, puis à son tour promena un regard méfiant autour de lui. Personne ne nous prêtait la moindre attention. Aussitôt que je lui refilai la moitié de ma pastèque et une tranche de pain, il s'empara de tout et disparut brusquement … Il dévora avec l'air inquiet d'un fauve qui redoute qu'on lui enlève son morceau.
Puis il me tapa sur l'épaule, me prit la main, et la serrant fortement, la secoua douloureusement, il ne fallut pas cinq minutes pour qu'il commençât déjà à me raconter son histoire.
Plus tard, je pensai:" Il est mon compagnon, le compagnon de toute mon existence, jusqu'à ma mort".
Maxime Gorki, "Les vagabonds"
*gommeux: personne habillée d'une façon trop élégante et ridicule
_________________________________________
Pourquoi ai-je choisi d'écrire ?
Pourquoi ai-je choisi d'écrire? Enfant, je n'avais guère pris au sérieux mes gribouillages; mon véritable souci avait été de connaître; je me plaisais à rédiger mes compositions françaises, mais ces demoiselles me reprochaient mon style guindé[1], je ne me sentais pas "doué". Cependant, quand à quinze ans, j'écrivis sur l'album d'une amie les prédilections, les projets qui étaient censés définir ma personnalité, à la question: "que voulez-vous faire plus tard ?", je répondis d'un trait: "Être un auteur célèbre". Touchant mon musicien favori, ma fleur préférée, je m'étais inventé des goûts plus ou moins factives. Mais sur ce point, je n'hésitai pas: je convoitais[2] cet avenir, à l'exclusion de tout autre.
La première raison, c'est l'admiration que m'inspiraient les écrivains; mon père les mettait bien au-dessus des savants, des professeurs. J'étais convaincue moi aussi de leur suprématie; même si son nom était largement connu, l'œuvre d'un spécialiste ne s'ouvrait qu'à un petit nombre. Les livres, tout le monde les lisait: ils touchaiebt l'imagination, le cœur; ils valaient à leur auteur la gloire la plus universelle et la plus intime. En tant que femme, ces sommets me semblaient en outre plus accessibles que les pénéplaines; les plus célèbres de mes sœurs s'étaient illustrées dans la littérature.
Et puis j'avais toujours eu le goût de la communication ... J'étais loquace[3]. Tout ce qui me frappait au cours d'une journée, je le racontais, ou du moins j'essayais. Je redoutais la nuit l'oubli; ce que j'avais vu, senti, c'était un déchirement de l'abandonner au silence. Emue par un clair de lune, je souhaitais une plume, du papier et savoir m'en servir. J'aimais, à quinze ans, les journaux intimes qui s'éfforcent de retenir le temps. J'avais compris aussi que les romans, les nouvelles, les contes ne sont pas des objets étrangers à la vie mais qu'ils l'expriment à leur manière.
Simone de Beauvoir

« Mémoires d'une jeune fille rangée »

[1] Guindé: recherché (un peu lourd)

[2] Convoitais: désirais

[3] Loquace: qui parle beaucoup.


________________________________________
Un artisan du bois
Je crois que je fus vraiment ému le jour où mon père me conduisit pour la primière fois dans l'atelier qui, en vérité, envahissait tout son appartement. Il y avait là plusieurs établis, des presses, des serre-joints, des placards bourrés d'outils et des rayons où s'alignaient des séries de rabots de toutes longueurs et de tous profils. Et tout cela portait des noms étonnants: trusquin, petit-guillaume, scie à chantourner, à araser.
Partout c'était l'ordre parfait, la propreté qui sentait bon la cire et le vernis. Car, dés qu'il avait raboté une pièce, Vincendon prenait sa pelle et sa balayette et s'empressait de ramasser les copeaux.
J'aurais pu demeurer des semaines entières à le regarder travailler, non seulement parce qu'il faisait des choses admirables, -j'étais alors incapable d'apprécier son travail- mais surtout à cause de ses mains. Ses mains semblaient malhabiles au point que dés qu'il empoignait un outil, j'avais envie de me précipiter pour le ramasser. Et pourtant, l'outil ne tombait jamais. Et non seulement les mains de Vincendon le tenaient ferme, mais encore, elles semblaient se jouer de lui. Enormes et sèches, couturées[1] et déformées, elles façonnaient des pièces minuscules, aux formes compliquées comme à plaisir. Car Vincendon était luthier. Mais il ne se bornait pas à fabriquer et réparer des violons et des guitares, il faisait toute sorte de choses.
Il avait un penchant très marqué pour les coffrets à bijoux. Des coffrets aux incrustations de nacre ou de bois de rose, des coffrets dont les fermoirs secrets –en bois naturellement- étaient de petites merveilles d'horlogerie de son invention.
Ah ! le visage de Vincendon lorsqu'il nous montrait son travail ! ce bonheur ! cette joie incomparable que l'on voyait pétiller dans son regard.
Bernard Clavel

« La grande patience »

[1] Couturées: couvertes de cicatrices


________________________________________
textes explicatifs
___________________________________________
L'automobile est un excellent moyen et agréable engin de transport rapide, mais un détestable moyen de découverte. Jamais on n'a tant voyagé, et jamais aussi les gens n'ont moins profité de leurs voyages. Ces malheureux qui avalent pèle-mêle des kilomètres traversent la moitié de la France, six régions, trente villes, quatre cents villages, vingt siècles d'histoire sans en retirer d'autres que des pannes et des pneus crevés.
C'est presque une banalité de répéter que la seule manière adéquate de visiter certaines régions, c'est de les parcourir à pied. D'abord parce que la marche aiguise l'appétit et l'intellect et qu'elle place naturellement le voyageur dans un état de réceptivité qui multiplie l'intérêt de tout ce qu'il rencontre. Ensuite, parce que ce moyen est lent, exige un effort personnel, permet d'entrer en contact avec les choses et les gens d'une manière progressive.
A pied, un arbre est un arbre, avec sa peau rugueuse. En voiture, c'est une ombre parmi des centaines d'ombres toutes pareilles. A pied, tout prend un sens, tout chante son petit couplet. Le monde se subdivise à l'infini, révèle à chaque seconde des visages dont on ne soupçonnait même pas l'existence, éveille l'intérêt par cent détails inattendus. Mais la vitesse unifie tout !
SAMIVEL, L'amateur des abîmes
__________________________________________________ __________________
Jamais invention ne rencontra un intérêt plus général et plus ardent. Le cinéma est encore dans son enfance, mais le monde entier lui a fait confiance. Le cinéma a, dès son début, enflammé les imaginations, rassemblé des capitaux énormes, gagné la collaboration des savants et des foules, fait naître, employé, usé des talents innombrables, variés. Il consomme une grande quantité d'efforts, de courage et d'invention. Tout cela pour un résultat minime. Je donne tous les films du monde pour une pièce de théâtre, pour un tableau de peinture, pour un symphonie !
Toutes les œuvres qui ont tenu quelque place dans ma vie, toutes les œuvres d'art dont la connaissance a fait de moi un homme, représentaient d'abord une conquête. J'ai dû les aborder de haute lutte après une fervente passion. Par contre, l'œuvre cinématographique ne soumet notre esprit et notre cœur à nulle épreuve. Elle nous dit tout de suite ce qu'elle sait. Par nature, elle est mouvement, mais elle nous laisse immobiles, comme paralytiques. Beethoven, Molière, Vinci, j'en appelle trois, il y en a cent, voilà vraiment l'art ! Le cinéma m'a parfois diverti, parfois même ému, jamais il ne m'a demandé de me surpasser. Le cinéma n'est pas un art !


Georges DUHAMEL, Le cinéma
__________________________________________________ ________________

L'automobile est un excellent moyen et agréable engin de transport rapide, mais un détestable moyen de découverte. Jamais on n'a tant voyagé, et jamais aussi les gens n'ont moins profité de leurs voyages. Ces malheureux qui avalent pêle-mêle des kilomètres traversent la moitié de la France, six régions, trente villes, quatre cents villages, vingt siècles d'histoire sans en retirer d'autres que des pannes et des pneus crevés.
C'est presque une banalité de répéter que la seule manière adéquate de visiter certaines régions, c'est de les parcourir à pied. D'abord parce que la marche aiguise l'appétit et l'intellect et qu'elle place naturellement le voyageur dans un état de réceptivité qui multiplie l'intérêt de tout ce qu'il rencontre. Ensuite, parce que ce moyen est lent, exige un effort personnel, permet d'entrer en contact avec les choses et les gens d'une manière progressive.
A pied, un arbre est un arbre, avec sa peau rugueuse. En voiture, c'est une ombre parmi des centaines d'ombres toutes pareilles. A pied, tout prend un sens, tout chante son petit couplet. Le monde se subdivise à l'infini, révèle à chaque seconde des visages dont on ne soupçonnait même pas l'existence, éveille l'intérêt par cent détails inattendus. Mais la vitesse unifie tout !
SAMIVEL, L'amateur des abîmes






    ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ