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je veux savoir questions sur la langue, la littérature et la culture française et francophone

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ÇÝÊÑÇÖí Comment promouvoir le français en zone non-francophone.





Atelier linguistique
Comment promouvoir le français
en zone non-francophone.

par Nobutaka MIURA1
Université Chûô, Tokyo - Courriel


Texte remanié et augmenté d'une communication présentée au colloque «Francophonie au pluriel» organisé par l'Année Francophone Internationale en Sorbonne du 17 au 20 mai 2001.
Partons d'une évidence. Le Japon n'appartient pas à la francophonie, n'étant ni un pays de langue maternelle française, ni une ancienne colonie française ou belge où le français jouit, après l'indépendance, du statut de langue officielle ou de langue seconde. Si l'on veut absolument chercher une comparaison, la situation japonaise pourrait être assimilée à celle de certains pays européens où est bien assis le prestige culturel français dès le siècle des Lumières. Mais la comparaison s'arrête là: sans parler de la longue période de fermeture allant des années 1630 jusqu'aux années 1850, le Japon a évolué très loin des aires géographiques d'influence française, et ses élites n'ont commencé à étudier le français – à côté de l'anglais et de l'allemand – que dans la seconde moitié du XIX e siècle.
En effet, la première rencontre des japonais avec la civilisation française remonte à l'Exposition universelle de 1867 à Paris, à laquelle le dernier Shôgun des Tokugawa envoya une délégation importante, et le premier roman français traduit en japonais fut Le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne, paru en 1878 (cinq ans seulement après l'original), suivi de la traduction du Contrat social de Rousseau en 1882. Le modèle de modernisation du Japon sous l'Empereur Meiji (1868-1912) étant essentiellement allemand, l'étude du français, motivée par des besoins culturels, artistiques ou littéraires, est restée longtemps au niveau livresque sans être éprouvée par des échanges réels avec des locuteurs de la langue de Molière. A ce handicap géographique de l'éloignement, il faut en ajouter un autre qui est la différence proprement linguistique qui sépare le français du japonais, différence qui se manifeste à tous les niveaux, grammatical, syntaxique, lexical sans oublier la phonétique et l'écriture.
Le Japon n'est donc pas un pays francophone. Sur les 125 millions d'habitants de notre archipel, le nombre des francophones, forcément occasionnels et imparfaits, se situerait dans une fourchette de 12.000 à 120.000 locuteurs, à savoir entre 0,01 et 0,1% de la population: encore cette estimation est-elle des plus optimistes. Plus de 20.000 Japonais vivent en France avec une compétence linguistique plus ou moins grande, alors que la colonie de francais et de francophones au Japon ne totalise que 5 à 6.000 personnes. A la différence d'un pays comme les Etats-Unis, cette communauté francophone ne provient pas de l'immigration ancienne; elle est récente et se compose de résidents de durée limitée.
Pourtant, le français est au Japon une des langues les plus étudiées. On dit que si on vend à chaque rentrée un million de dictionnaires anglais-japonais, on vend aussi cent mille dictionnaires français-japonais. Nous sommes près de 2.000 professeurs à enseigner cette belle langue, y compris plus d'une centaine d'enseignants francophones natifs. Mais ces 2.000 enseignants sont pour la plupart professeurs de l'enseignement supérieur, répartis dans quelque cinq cents universités (un jeune sur deux continue ses études jusqu'à l'université). Au total, 25 % de nos 700.000 étudiants (soit entre 150 et 180.000) sont inscrits chaque année dans le cours de français seconde langue étrangère pour deux ans, et ce, même si depuis dix ans, l'apprentissage d'une deuxième langue n'est plus obligatoire dans un cursus universitaire assoupli et allégé. La plupart de ces apprenants sont des «non-spécialistes» et une minorité d'entre eux seulement se spécialise dans les études françaises pour quatre ans, dans un des départements de langue et littérature françaises de l'archipel (près d'une centaine au total, toutes tailles confondues).
Mais le résultat est loin d'être satisfaisant. Nos élèves n'arrivent pas à bien parler la langue au bout de deux ans d'études extensives (en moyenne deux cours par semaine pendant deux ans), ni même au bout de quatre ans d' études spécialisées. Le public d'apprenants que nous accueillons à la faculté se compose pour la plupart de débutants complets qui n'ont jamais fait de français avant: cent vingt lycées seulement (sur cinq mille) offrent des cours de français à titre optionnel. (Nos voisins coréens sont en avance sur nous dans ce domaine: l'apprentissage d'une seconde langue étrangère est obligatoire et généralisé au lycée, quoique la place du français soit menacée par le japonais.)
En effet, tous les jeunes japonais apprennent l'anglais au collège et au lycée pendant six ans. Ce serait pourtant une erreur de croire que les Japonais sont anglophones. Malgré six ans d'études secondaires, rares sont nos bacheliers qui maîtrisent bien l'anglais oral, car on n'enseigne pas la langue pour communiquer mais pour classer les élèves dans la perspective du concours d'entrée à l'université. Ils continuent donc l'étude de l'anglais après le bac pendant encore deux ans: un énorme investissement contre un très faible rendement. De plus, cette place quasiment exclusive réservée à l'anglais sera encore renforcée dans les années qui viennent par son apprentissage précoce dès le primaire, introduit pour le moment à titre expérimental, mais qui sera bientôt généralisé.
Dans ce contexte peu favorable, nous faisons de notre mieux pour défendre le français en faisant valoir le «plurilinguisme» dans l'enseignement des langues: l'exemple de l'Union européenne, qui se veut multilingue par l'éducation, nous inspire. Mais le combat est bien difficile en raison de ce que j'appellerais le «double monolinguisme» particulier à notre pays. Il s'agit du monolinguisme japonais combiné avec celui de l'anglais, le premier étant la langue de l'identité et de l'unité nationales, et le second aujourd'hui promu langue de communication internationale même en Asie ou surtout en Asie. Ne dit-on pas qu'un des handicaps majeurs de la diplomatie japonaise est que notre Premier ministre est le moins doué en anglais parmi tous les chefs de gouvernement des pays asiatiques ?
C'est ainsi que le Conseil consultatif auprès du Premier ministre, chargé de réfléchir sur le Japon du XXIe siècle, a publié en janvier 2000 un rapport très contoversé, recommandant entre autres l'adoption de l'anglais comme «deuxième langue officielle» de la nation. Projet peu réaliste et peu justifiable, puisque le Japon n'est pas une ancienne colonie britannique comme l'Inde, Singapour ou Hongkong, ni une ancienne colonie américaine comme les Philippines, tous ces pays ayant eu besoin d'une langue officielle véhiculaire quoiqu'exogène, étant donné la grande diversité linguistique qui régnait à l'intérieur de leurs frontières. Au Japon au contraire, tout s'est passé comme si sept ans d'occupation américaine après la Seconde Guerre mondiale (1945-1952) avaient été suffisants pour remodeler le pays et transformer la mentalité de ses habitants.
Je vous cite un seul chiffre: en 1950, lorsque le Japon a envoyé la première promotion de boursiers en Occident, après une longue interruption, on en dénombrait seulement 5 qui partaient avec une bourse du gouvernement français contre plus de 300 qui traversaient le Pacifique avec une bourse américaine. Cet écart entre deux destinations, qui se reproduira sans s'amenuiser pendant des décennies, aura été déterminant pour installer cette disposition pro-américaine chez les élites japonaises : celles-ci ont assimilé le modèle américain et considèrent les Etas-Unis comme le partenaire privilégié. Cette dépendance vis-à-vis du vainqueur, définie par le Pacte de sécurité nippo-américaine, a continué grosso modo jusqu'à la fin des années 1980, malgré des conflits d'intérêts de plus en plus évidents entre la première et la deuxième puissances économiques mondiales. La divergence est devenue flagrante dans le monde de l'après-guerre froide, avec la disparition de la menace du bloc communiste, lorsque les Etas-Unis n'ont plus eu besoin de protéger le Japon, qui est alors devenu un redoutable concurrent à contenir.
Depuis lors, la mondialisation qui s'accélère depuis la chute du Mur et l'effondrement de l'Union soviétique a plongé dans un désarroi profond un Japon qui a perdu la protection inconditionnelle de l'Oncle Sam, sans savoir pour autant affirmer son identité sur la scène internationale. A cet égard, il est très significatif que l'offensive nippophobe des Japan bashers américains soit survenue en 1989 et qu'elle ait immédiatement suscité la première réaction anti-américaine d'une partie de la classe politique japonaise ( The Japan That Can Say No de Shintaro Ishihara, actuel Gouverneur de Tokyo, très populaire par son franc-parler populiste).
La première moitié des années 1990 fut en effet marquée par le basculement du Japon dans la crise économique (récession déclenchée par l'éclatement des bulles spéculatives), combinée à une crise morale ( coming out des «femmes de confort» coréennes, ces jeunes femmes qui furent forcées de se prostituer par l'armée japonaise et qui se mirent à témoigner de leurs blessures mal cicatrisées un demi-siècle après) et sociale (tremblement de terre de Kobé et affaire de la secte d'Aoum). Cette triple spirale que les gouvernements successifs ne sont pas parvenus à enrayer, a provoqué une crise identitaire et suscité une réaction néo-nationaliste de plus en plus exacerbée.
Je vous en indiquerai un seul signe. En mars dernier, un nouveau manuel scolaire, rédigé par des historiens négationnistes, a franchi la censure de l'Education nationale pour être librement mis en vente dès la prochaine rentrée. Ce manuel d'histoire raye ou minimise les crimes de guerre organisés par l'armée japonaise pendant la dernière guerre (les «femmes de confort», le massacre de Nankin, etc.), sous prétexte de congédier «la vision masochiste de l'histoire» pour redonner leur fierté nationale aux jeunes japonais.
Il faut d'ailleurs remarquer que cette idée de faire de l'anglais la seconde langue officielle, qui semble à première vue incarner un esprit d'ouverture, n'est pas contradictoire avec ce courant de repli identitaire et xénophobe. Les nationalistes japonais sont sournois au point de trouver leurs alliés parmi les élites mondialisées anglophones. Ils affichent ensemble la volonté de rétablir une nation puissante en gagnant la compétition internationale à tout prix, fût-ce au prix de l'adoption de la langue des nouveaux maîtres du monde. L'identité japonaise se défendra mieux, disent-ils, si la nation dispose de deux armes linguistiques. Bref, nous sommes désormais en présence d'une coalition des nationalistes et des néo-libéraux qui réclament la révision de la Constitution de 1946, démocratique et pacifiste, parce qu'elle aurait été imposée par l'armée d'occupation américaine.
Voilà le dernier état des lieux du champ idéologique du débat japonais. On ne peut pas être dupe du nouveau Premier ministre Jun-ichiro Koïzumi, malgré sa popularité sans précédent: favorable à la révision de la Constitution, il se propose de procéder à la privatisation de la Poste, dernier bastion du service public, et déclare vouloir se rendre en visite officielle au temple de Yasukuni, symbole du patriotisme héroïque, en violation du principe de séparation des Eglises et de l'Etat.
La réforme institutionnelle en cours n'épargnera pas non plus l'enseignement supérieur. Près d'une centaine d'universités d'Etat se transformeront dès 2003 en une «personne morale administrative indépendante», euphémisme de privatisation, en rationalisant leur «gouvernance» sous le signe de la compétitivité, de l'efficacité et de la rentabilité. On demandera à l'université publique de rendre des comptes aux contribuables (accountability) et de répondre mieux aux besoins du monde industriel. Les traditionnelles «humanités» auront certainement du mal à se justifier en termes de rentabilité. De fait, dans l'enseignement des langues, on peut s'attendre à ce que seul l'anglais soit privilégié au détriment des autres, jugées moins utiles et moins rentables, dont le français. Que faire face à cette situation ?
Traditionnellement, l'enseignement du français a longtemps été assuré par des professeurs de formation littéraire qui, ne s'intéressant pas trop à la réalité française, ont laissé de côté la pratique de la langue. Cependant, peu d'entre eux enseignent la littérature dans une Faculté des lettres. Quelle que soit la qualité de leur recherche, la plupart des enseignants doivent en effet se contenter d'enseigner le français élémentaire à des non-spécialistes qui sont étudiants en droit, en économie, en gestion, en science et en technologie. Il y a là une inadéquation totale entre l'offre et la demande de l'enseignement/apprentissage du français: les enseignants sont littéraires (ou linguistes), alors que les apprenants ne sont pas spécialistes de littérature (ou de linguistique). Pourtant, le recrutement des enseignants de français s'effectue toujours sur examen de la liste de publications des études littéraires (ou linguistiques). La compétence didactique du candidat n'est guère prise en considération.
Pour remédier à cette carence, l'innovation méthodologique est entamée depuis les années 1980 avec l'arrivée de «l'approche communicative» qui a conquis l'esprit de nombre de jeunes professeurs maîtrisant bien la langue orale. L'option de «français langue de culture» cède ainsi graduellement le terrain à celle de «français outil de communication». Mais cette deuxième option, celle de langue utile, louable comme telle, rencontre un obstacle majeur: l'usage du français est extrêment limité dans la vie quotidienne et dans la vie professionnelle. Même chez Nissan, racheté en 1999 par Renault, la langue véhiculaire entre le patron français et les cadres japonais est… l'anglais ! Les entreprises françaises implantées au Japon exigent d'ailleurs, pour recruter leur personnel, une compétence en anglais. Pour ma part, je suis chargé depuis 1990 de la formation d'interprètes français-japonais dans une école privée d'interprètes et de traducteurs. Le marché du travail étant très réduit – c'est toujours l'anglais qui se taille la part du lion –, il n'y a pas beaucoup de débouchés pour nos étudiants en interprétation ou en «français de la profession» en général.
J'en arrive donc à deux constats plutôt pessimistes. Le premier est que «l'approche communicative» avec son corollaire de «français langue professionnelle» n'est une option bénéfique que dans les régions du monde où le français est une langue seconde ou une langue très utilisée, et où la compétence en français est un atout donnant une qualification professionnelle supplémentaire. Le deuxième est que si l'on tient uniquement à cette logique de «langue utile» dans une zone non francophone, le français sera relégué au second plan, loin derrière l'anglais, qui est de très loin plus utile que toutes les autres langues.
Il nous faut donc chercher une nouvelle justification de l'étude du français au-delà de la logique du «français langue de culture» (langue de luxe) et de celle du «français langue utile» (langue de communication). Un grand spécialiste de Mallarmé ou de Valéry ne vaudrait rien devant un public de débutants s'il ne savait animer la classe de conversation. Un excellent didacticien du FLE ne vaudrait rien s'il ne savait attirer les jeunes par son message intellectuel. Je suis ainsi amené à chercher une «troisième voie» qui serait une nouvelle synthèse critique de l'option culturelle et de l'option utilitaire. Si la logique de «langue de culture» est un produit daté, représentant un certain exotisme renversé à la poursuite d'un modèle de civilisation occidental, celle de «langue utile» qui considère la langue comme un simple outil de communication ne peut jamais répondre à la question: «Pourquoi apprend-on le français dans un pays où il n'est pas parlé ?»
A mon avis, l'étude du français doit servir à la formation intellectuelle et de l'esprit critique chez les jeunes, même s'ils vivent en dehors des aires francophones. Une plus grande mobilité des étudiants pourrait, de plus, motiver davantage les jeunes à l'étude de la langue: un programme Erasmus francophone serait donc le bienvenu. Pour apprendre une langue, il faut aller vivre dans le pays où il est parlé, et ce dicton est valable particulièrement pour les jeunes japonais. Enfin, il faut viser non seulement les étudiants de français mais aussi, et surtout, les étudiants non spécialistes qui étudieront leur discipline en français dans une université francophone.
Au niveau de la formation des enseignants de français, je préconise notamment la nécessité d'une «double formation» qui, au-delà de la filiaire traditionnelle en «langue et littérature», privilégie l'ouverture aux sciences sociales et humaines. Après la génération des littéraires et celle des didacticiens, il faut que vienne la génération de professeurs de français qui sont à la fois philosophes, historiens-géographes, politologues, sociologues ou anthropologues. Même s'il est difficile d'avoir une double qualification, les enseignants de français doivent acquérir un minimum de savoir et faire preuve de qualité de «veille intellectuelle», pour traiter des questions de civilisation dans le contexte global de la mondialisation. C'est dans cet esprit que nous avons créé en automne 2000 le Groupe d'études sur la France contemporaine (GEFCO) à la Maison franco-japonaise, haut lieu d'échanges scientifiques à Tokyo où passent tous les grands conférenciers comme Jacques Derrida, Pierre Bourdieu ou Edouard Glissant. Conçu comme structure légère interdisciplinaire servant à la fois à la recherche et à la formation, le GEFCO a pour vocation de porter un regard critique et comparatiste à la civilisation française sans oublier ses dimensions européennes et francophones.
Celà dit, j'ai deux réserves à formuler. La première est que je dis bien une «synthèse critique» et que je n'exclus nullement de la scène de l'enseignement du français les spécialistes de littérature, de linguistique ou de didactique, bien au contraire. Il faut reconnaître cependant que nous sommes victimes d'une spécialisation trop poussée des études françaises et de notre formation monoculturelle et monolingue française. Pour répondre aux besoins très variés des apprenants et pour leur expliquer «l'avantage comparatif» de l'approche française, il nous faut nous-mêmes être comparatistes, et faire montre d'une ouverture interdisciplinaire et transculturelle. A cet égard, je voudrais citer deux exemples pour illustrer combien est nécessaire la formation intellectuelle française pour répondre aux enjeux de la civilisation du monde contemporain.
Tout d'abord, je ferai remarquer que, dans le contexte de mondialisation libérale que dicte la seule loi du marché, c'est l'esprit humaniste et écologiste français qui est aujourd'hui le mieux à même de mettre en cause utilement le retrait des Etats-Unis du Protocole de Kyoto de 1997 sur la limitation des émissions du gaz carbonique. Faut-il rappeler que, au cours de l'élaboration du protocole, le plus grand pollueur du monde avait proposé une clause de «vénalité» (l'expression est de moi) qui permettrait d'acheter le droit de polluer la planète aux pays pauvres moins pollueurs? Il faut savoir dire que l'environnement n'est pas une marchandise qu'on achète et qu'on vend, pas plus que la culture (je pense ici à la bataille de «l'exception culturelle» dans les négociations du GATT en automne 1993). Or, c'est la formation intellectuelle française qui permet souvent de penser autrement ces problèmes, aujourd'hui vitaux pour l'avenir de notre planète.
Un autre exemple: dans une monarchie constitutionnelle comme le Japon, l'idée de la République à la française mérite sans aucun doute d'être étudiée, à titre comparatif sinon comme une forme supérieure de la démocratie. Car le régime impérial ayant survécu au Japon à la rupture de 1946, la notion de «citoyen» n'y est pas très développée. Le principe du «droit du sol» qui est à la base de la nationalité française doit être mieux connu au Japon, qui conserve son traditionnel «droit du sang», d'autant qu'il y a désormais près de deux millions d'étrangers sur l'archipel et que celui-ci doit faire face à des flux migratoires croissants, et qui ne peuvent que se développer étant donné le déficit démographique déjà prévu dans un proche avenir.
Quand on cherche un principe permettant de «vivre ensemble», l'espace de la francophonie nous offre trois modèles intéressants: le modèle républicain d'intégration citoyenne (Dominique Schnapper), le modèle canadien ou québecois d'un multiculturalisme respectueux de la différence culturelle (Charles Taylor) et le modèle antillais d'identité plurielle et composite, forgée par un processus de métissages culturels et de créolisation (Edouard Glissant).
Dans une zone non francophone où la langue n'a pas d'utilité communicationnelle directe, le français a donc deux atouts pour sa diffusion. Le premier est son riche patrimoine culturel, artistique et littéraire, qui doit se renouveller sans cesse, et le deuxième est le message intellectuel fort qu'il véhicule et qui doit être universellement valable. La pensée française est universelle ou n'est pas. Voilà son destin singulier. L'exigence morale envers cette pensée est d'autant plus grande que la France se prétend être, et est perçue comme, la patrie des droits de l'homme.
Je dois avouer que j'ai été très déçu par la réponse de Claude Simon à Kenzaburo Oé, qui critiquait la reprise des essais nucléaires français dans le Pacifique sud en 1995 au moment précis où le Japon commémorait le cinquqntenaire de Hiroshima et de Nagasaki (le débat entre nos deux prix Nobel de littérature a été publié simultanément dans Le Monde et dans le Journal Asahi ). L'argument de Claude Simon était de dire en substance qu'un peuple barbare n'a pas le droit de critiquer un peuple civilisé. Il énumérait tous les crimes de guerre commis par les japonais comme si les français étaient parfaitement innocents dans leurs engagements militaires, comme s'ils ne s'étaient jamais commis que dans des «guerres des justes».
De même, dans le domaine de la politique linguistique, l'argument français n'est pas non plus toujours convaincant. Même s'il paraît universel, se décèlent souvent derrière lui les intérêts nationaux. Or, si la francophonie est un simple cheval de bataille pour maintenir l'influence française dans le monde, elle trouvera difficilement des alliés au sein même de la francophonie. Si le plurilinguisme est une simple stratégie pour sauvegarder le statut du français comme langue internationale, ce ne sera pas un argumentaire utile dans les régions non-francophones.
La résistance française à la domination culturelle américaine se présente souvent, pour reprendre les termes de Pierre Bourdieu, comme «l'affrontement entre deux impérialismes, entre un impérialisme en ascension et un impérialisme en déclin». La bataille de «l'exception culturelle» ne relevait-elle pas un tant soit peu de «l'antiaméricanisme du ressentiment»? («Deux impérialismes de l'universel», in Fauré et Bishop (éd.), L'Amérique des Français, François Bourin, 1992). Pourtant, les régressions nationalistes ou nationalitaires ne combattent jamais l'impérialisme culturel. Nous devrions bien plutôt chercher ensemble une véritable philosophie de francophonie au pluriel et multipolaire, en liquidant complètement la volonté hégémonique de domination et d'influence.
Pour fonder une véritable philosophie de francophonie, il faudrait partir d'une métaphore chère à Michèle Gendreau-Massaloux: le marché des langues n'est pas comme un gâteau que l'on partage. Ce n'est pas un marché où les langues se disputent leur part respective les unes au détriment des autres. Ce n'est donc pas «un jeu de somme nulle» mais «un jeu de somme positive» qui peut et doit y régner. Acquérir une langue de plus, c'est acquérir un monde de plus sans en sacrifier aucun. Ce qui est à l'œuvre dans l'apprentissage linguistique, ce n'est pas le mécanisme de la soustraction mais celui de l'addition, ce n'est pas la logique de la division mais celle de la multiplication. Reconnaître la langue de l'autre n'est pas un moyen de diminuer la sienne, bien au contraire.
Or, dans le débat sur la Charte européeenne des langues régionales ou minoritaires, Georges Sarre (Mouvement des citoyens) s'est montré franchement hostile à la ratification en faisant valoir que la reconnaissance des langues régionales affaiblirait les rangs du français dans sa lutte contre la domination de l'anglo-américain. Si les Français savaient à quel point a été nuisible, pour l'image d'une France respectueuse de la diversité linguistique, cette ratification bloquée de la Charte européenne des langues, à cause du jugement du Conseil constitutionnel selon lequel elle n'était pas compatible avec les principes d'une «République une et indivisible». La Charte étant suffisamment souple dans ses modalités d'application, la France aurait pu la ratifier dans un geste symbolique, ne serait-ce que pour donner un exemple aux nouvelles démocraties de l'Est pour lesquelles cette signature est une condition nécessaire pour l'adhésion au Conseil de l'Europe. Mais, heureusement ou malheureusement, ce débat passionnel et passionnant n'a pas été porté à la connaissance du grand public japonais: les quotidiens nippons ne réservent pas leurs colonnes aux affaires franco-françaises. En tout cas, il est clair que le plurilinguisme que la France préconise à l'extérieur ne serait pas convaincant si la même logique n'était pas appliquée aux langues régionales de l'intérieur.
Mais la plus grande pierre d'achoppement qui guette le discours de la francophonie, c'est la manière dont on assume la mémoire du passé colonial français. Beaucoup de français parlent de la francophonie comme s'il s'agissait d'un acquis historique naturel dû au rayonnement culturel français aussi bien qu'aux œuvres de «la mission civilisatrice» française. Bien que la fin de la décolonisation dans les années 1960 ait effectivement coïncidé avec les débuts du mouvement francophone, je ne souscris évidemment pas à la vision simpliste selon laquelle la francophonie serait une nouvelle forme de domination française. Mais je ne souscris pas non plus à la thèse selon laquelle la francophonie serait née par un choix librement et spontanément consenti des ex-colonisés, car les leaders politiques qui ont conduit leur pays à l'indépendance appartenaient souvent aux «élites indigènes» francophones formées pour servir d'intermédiaires à la domination coloniale. Il est indéniable que sans l'expansion coloniale quatre siècles durant, le français n'aurait pas connu une diffusion si importante à l'échelle mondiale.
La question qui me hante depuis des années est de comprendre pourquoi et comment la République, qui se voulait héritière des idéaux de la Révolution, s'est construite comme un grand empire colonial. Je pense notamment à la troisième République et à l'œuvre de Jules Ferry, le père de l'Ecole laïque républicaine en même temps que le promoteur des conquêtes coloniales des années 1880. Je pense aussi à Ernest Renan qui est aujourd'hui canonisé comme fondateur de la conception élective de la «nation», bien que son idéologie rasciste soit battue en brèche par Aimé Césaire dans son Discours sur le colonialisme (1950). Il me semble que personne ne lit plus aujourd'hui le Discours césairien qui est sans doute jeté aux oubliettes dans l'Hexagone. Mais je ne peux pas ne pas relever « l'amnésie » des français, qui ne semblent pas encore avoir fait leur deuil du passé colonial.
L'actuel débat sur la torture pendant la guerre d'Algérie – mieux vaux tard que jamais – montre combien est difficile le travail de la mémoire sur cet impensé de l'histoire. Il ne faut cependant pas faire l'impasse sur la question du «colonialisme républicain» (l'oxymoron est voulu), sous le prétexte de la lutte qui s'impose d'urgence face à un impérialisme américain dictant une mondialisation sauvage. C'est là une étape incontournable de notre réflexion sur l'histoire de la modernité ethnocentrique européenne, pour que la Francophonie, dans sa version postcoloniale, dépasse la logique du «choc des civilisations» (Samuel Huntington) et devienne un véritable vecteur du dialogue des cultures.
Cette question de la mémoire sera examinée, bien qu'indirectement, dans un colloque qui se tiendra à Tokyo en décembre 2001 et qui sera consacré au thème de «la France et la modernisation de l'Asie de l'Est». Vous n'êtes pas sans savoir que l'histoire de cette région du monde est marquée par de nombreux conflits et guerres. La langue de travail du colloque sera le français que nous partagerons avec nos collègues coréens, chinois et taïwanais, sans exclure évidemment les français. Ce sera une nouvelle tentative d'extension de la francophonie intellectuelle en Asie de l'Est, cinq ans après le IX e Congrès mondial des Professeurs du Français que nous avons accueilli en 1996 à Tokyo.

MIURA Nobutaka est né en 1945. Diplômé de l'Université de Tokyo, il est Professeur de littérature française à l'Université Chûô et anime le Groupe d'études sur la France contemporaine (GEFCO) à la Maison franco-japonaise. Il est également interprète de conférence et traducteur, notamment de Madame de Sade de Mishima (en collab. avec A. Pieyre de Mandiargues), de Valéry (Cahiers, en collab.) et de Derrida (Devant la loi). Publications récentes: «L'exception culturelle dans le choc des civilisations» (1996), Qu'est-ce que le multilinguisme ? (dir., 1997), Le Japon au miroir de la France (1998), «Le Japon, degré zéro de la créolité ?» (1999), Les impérialismes linguistiques (dir., 2000), «La République en question: républicanisme et multiculturalisme en France» (2001), «Sartre et la Négritude» (2001).
L'auteur tient à remercier Michaël Ferrier pour sa relecture attentive du manuscrit.







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